Fixation du loyer lors du renouvellement du bail commercial
Le renouvellement du bail commercial est un moment stratégique pour le bailleur comme pour le locataire : il assure la continuité du fonds de commerce, mais aussi la réévaluation du loyer.
Ce loyer de renouvellement n’est pas librement fixé — il obéit à un cadre légal strict défini par les articles L.145-33 à L.145-36 du code de commerce, visant à concilier stabilité du commerce et juste rémunération du propriétaire.
Le principe : un loyer fixé à la valeur locative
Le loyer du bail renouvelé doit correspondre à la valeur locative.
Cette valeur locative est appréciée d’après cinq critères posés par la loi :
- les caractéristiques du local (état, superficie, équipement, accessibilité, etc.) ;
- la destination des lieux (usage autorisé par le bail) ;
- les obligations respectives des parties (travaux, charges, taxes, entretien) ;
- les facteurs locaux de commercialité (attractivité du quartier, flux de clientèle, concurrence, transports…) ;
- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Le plafonnement du loyer : la règle protectrice du locataire
Le principe du plafonnement
L’article L.145-34 du code de commerce prévoit que le loyer du bail renouvelé ne peut pas excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice légal (ILC ou ILAT selon l’activité) sauf modification notable des critères ci-dessus et si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans.
Les indices applicables
ILC (Indice des Loyers Commerciaux) pour les activités commerciales et artisanales (art. L.112-2 C. mon. fin.) et l’ILAT (Indice des Loyers des Activités Tertiaires) pour les professions libérales et bureaux.
Depuis la loi Pinel (2014), l’indice du coût de la construction (ICC) n’est plus applicable au calcul du loyer plafond.
Le déplafonnement du loyer : les exceptions à la règle
Le déplafonnement permet au bailleur d’obtenir un loyer supérieur au plafond légal, dans certaines situations prévues par la loi, sous réserve que la valeur locative soit supérieure au loyer plafond.
Modification notable des éléments de valeur locative
C’est le motif principal de déplafonnement.
Il faut démontrer a minima une évolution durable affectant au moins un des quatre premiers critères légaux susvisés, notamment :
- Modification de la surface des locaux (ex. modification de l’affectation des locaux avec agrandissement de la zone clientèle) ;
- Transformation du quartier (nouvelle station de métro, centre commercial, réhabilitation urbaine) ;
- Changement significatif d’activité du locataire (déspécialisation) ;
- Agrandissement, amélioration ou modification des locaux faits par le bailleur ou par le preneur (notamment en cas de clause d’accession) ;
- Travaux importants d’entretien ou d’embellissement effectués dans les parties communes de l’immeuble ;
- Évolution sensible du flux de clientèle.
Dans cette situation, un mécanisme de lissage est appliqué et ainsi, la variation qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
La durée du bail commercial
Le plafonnement ne s’applique pas aux baux :
- dont la durée a excédé 12 ans par l’effet d’une tacite prolongation. Le loyer est alors fixé librement à la valeur locative ;
- conclus pour une durée supérieure à neuf ans. Dans ce cas, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
La nature des locaux loués
Les terrains nus, les locaux monovalents et les locaux à usage exclusif de bureaux échappent à la règle plafonnement. Leur loyer sont fixés respectivement en fonction de la nature et des modalités d’exploitation, des usages observés dans la branche d’activité considérée et des prix pratiqués pour des locaux équivalents.
Convention des parties
Les parties peuvent décider de déroger à ces règles dans le contrat de bail et prévoir, à l’avance, les conditions de fixation du loyer du bail renouvelé ou décider que le loyer sera fixé en fonction de la règle du plafonnement uniquement.
La procédure de fixation du loyer de renouvellement
Notification du renouvellement
Le renouvellement peut résulter :
- d’un congé avec offre de renouvellement (bailleur) par acte d’un commissaire de justice (ancien huissier),
- ou d’une demande de renouvellement (locataire) par acte d’un commissaire de justice (ancien huissier) ou par LRAR.
Proposition de loyer
Le bailleur peut proposer un nouveau montant de loyer dans l’acte de congé ou dans sa réponse à la demande de renouvellement.
Négociation amiable
Les parties peuvent s’entendre à l’amiable sur le loyer et peuvent, à ce titre, s’appuyer sur une expertise amiable diligentée par l’une d’elle ou d’un commun accord.
À défaut, l’affaire est portée devant le juge des loyers commerciaux.
Fixation judiciaire du loyer
Le code de commerce confère compétence exclusive au président du tribunal judiciaire, statuant en matière de loyers commerciaux, pour fixer le prix du bail renouvelé.
Il est saisi par la partie la plus diligente dans le délai de deux ans à compter du congé ou de la demande de renouvellement.
Le juge, notamment :
- détermine la valeur locative,
- statue sur le plafonnement ou déplafonnement,
- et fixe la date d’effet du nouveau loyer à la date de prise d’effet du nouveau bail.
Si aucune des parties n’agit dans le délai de prescription de deux ans, le loyer du bail renouvelé est définitivement fixé au montant du loyer en vigueur à la date d’effet du renouvellement.
Focus : le rôle clé de l’expert en valeur locative
L’expertise judiciaire régulièrement ordonnée par le juge est centrale dans la fixation du loyer.
L’expert évalue la valeur locative statutaire au regard des cinq critères légaux, en s’appuyant sur les transactions récentes et la situation commerciale du quartier.
En résumé : un équilibre entre protection du locataire et droits du bailleur
Le plafonnement protège en principe le locataire, mais les exceptions prévues par le code de commerce permettent, dans certaines hypothèses, au bailleur d’obtenir la fixation du loyer à la valeur locative telle que déterminée par les dispositions du code de commerce.


