Charges bail commercial : répartition bailleur-locataire

La répartition des charges dans le cadre du bail commercial : obligations du bailleur et du locataire

La répartition des charges entre bailleur et locataire constitue un enjeu central de la négociation et de l’exécution du contrat de bail commercial. Depuis la loi ACTPE dite « loi Pinel » en date du 18 juin 2014, la refacturation des charges, taxes, impositions et redevances est encadrée par des règles précises prévues par le statut des baux commerciaux, lesquelles restreignent la liberté contractuelle des parties et imposent diverses obligations au bailleur. Cette réglementation poursuit un objectif de transparence ; le locataire doit avoir connaissance des charges qu’il est susceptible de supporter au cours de la vie du bail.

L’inventaire des charges dans le bail commercial : une exigence sanctionnée

L’exigence de l’inventaire pour tous les baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014

Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, les parties disposaient d’une large liberté pour organiser la répartition des charges. Cette souplesse permettait notamment la conclusion de baux « nets de charges » pour le bailleur, qui transférait l’intégralité des dépenses au locataire.

Cette pratique a pris fin ; depuis le 1er septembre 2014, tout contrat de bail commercial conclu ou renouvelé doit obligatoirement comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances, accompagné de l’indication de leur répartition entre les parties.

De surcroît, dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location doit préciser la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire doit correspondre strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l’exploitation de la chose louée.

La sanction en l’absence d’inventaire dans le bail commercial

L’absence d’inventaire précis et limitatif dans le bail ou l’acte de renouvellement fait obstacle à la refacturation des charges par le bailleur.

« Si les parties n’ont pas prévu d’inventaire précis et limitatif des charges et des taxes, le bailleur ne peut pas facturer de charges au locataire » – cour d’appel de Versailles, ch. civ. 1-5, 6 novembre 2025 RG n° 25/00150.

Les charges supportées par le bailleur en dépit des termes du bail

Le décret du 3 novembre 2014 établit une liste de charges et impositions qui demeurent à la charge exclusive du bailleur. Ces charges sont énumérées à l’article R.145-35 du Code de commerce et comprennent :

Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du Code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations ;

Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l’immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;

Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail ;

Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires.

La répartition des charges en présence de plusieurs locataires

Dans un ensemble immobilier accueillant plusieurs locataires, la répartition des charges s’effectue au prorata des surfaces exploitées, en intégrant une quote-part des parties communes. A défaut d’une telle précision dans le bail commercial, l’inventaire peut être jugé irrégulier et le locataire peut être fondé à refuser le paiement des charges.

Le paiement des provisions sur charges prévues par le bail commercial

Les modalités de versement de la provision sur charges

Les charges dans un bail commercial sont généralement stipulées payables par provision et par fractions, le plus souvent mensuelles ou trimestrielles et en même temps que le loyer. Les parties conservent une liberté contractuelle pour fixer les modalités de paiement de la provision, le législateur n’ayant pas imposé de règles particulières sur ce point.

Si le bail commercial ne prévoit pas de provisions sur charges, le locataire ne peut être contraint au versement de telles provisions sur charges s’agissant d’un dispositif contractuel.

L’obligation de régularisation des charges par un état récapitulatif

Il a été jugé que l’absence de régularisation des charges dans les conditions prévues au bail commercial rend sans cause les appels de provision à valoir sur le paiement de charges (3e Civ., 5 novembre 2014, pourvoi n°13-24.451, Bull. 2014, III, n°138 ; 3e Civ., 15 février 2018, pourvoi n°16-19.522).

Le paiement de provisions ne dispense donc pas le bailleur de procéder à une régularisation annuelle.

Cette obligation revêt une importance particulière car en l’absence de régularisation des charges le locataire peut réclamer le remboursement intégral des provisions versées.

Le bailleur doit dès lors adresser annuellement au locataire un état récapitulatif des charges. Ce document comprend nécessairement un décompte de régularisation qui permet au locataire de vérifier la correspondance entre les provisions versées et les charges réellement dues.

Les délais de communication

L’article R.145-36 du Code de commerce détermine les délais pour la transmission de l’état récapitulatif :

  • Au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle au titre de laquelle l’état est établi pour les immeubles hors copropriété

  • Dans un délai de trois mois à compter de la reddition annuelle des charges de copropriété pour les immeubles en copropriété

L’obligation de communication des justificatifs

L’article R.145-36 du Code de commerce impose en outre au bailleur de justifier du montant des charges refacturées en ces termes :

« Le bailleur communique au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci ».

Sur simple demande du locataire, le bailleur est donc tenu de communiquer tout document justificatif du montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés au locataire. Cette obligation permet au locataire de contrôler la réalité et le bien-fondé des charges qui lui sont facturées.

Les obligations complémentaires du bailleur en matière de travaux

Au-delà de l’état récapitulatif des charges, le bailleur doit communiquer au locataire deux documents relatifs aux travaux, tous les trois ans :

  1. Un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années à venir, assorti d’un budget prévisionnel

  2. Un état récapitulatif des travaux réalisés au cours des trois années précédentes, précisant leur coût

Ces documents doivent être remis dans un délai de deux mois à compter de chaque échéance triennale. Cette obligation d’information permet au locataire d’anticiper l’impact financier des travaux à venir et de vérifier la nature des travaux déjà réalisés, notamment s’ils concernent des charges récupérables.

L’accompagnement par un conseil en matière de répartition des charges liées au bail commercial

La complexité de la réglementation applicable aux charges en bail commercial justifie fréquemment le recours à un conseil juridique spécialisé. Un avocat spécialisé peut intervenir à plusieurs niveaux :

  • Lors de la rédaction du bail, pour établir un inventaire conforme aux exigences légales et intégrer les meilleures pratiques s’agissant des charges refacturées

  • En cours de bail, pour conseiller le bailleur ou le locataire sur leurs droits et obligations respectifs

  • En cas de litige sur la répartition des charges, pour défendre le bailleur ou le preneur devant les juridictions compétentes

  • Pour négocier une régularisation amiable en cas de désaccord entre les parties portant sur les charges

L’intervention d’un professionnel du droit permet d’assurer la conformité des pratiques contractuelles et de prévenir les contentieux, souvent coûteux et chronophages pour les deux parties. Le conseil juridique en matière de bail commercial charges s’avère particulièrement utile lors de la négociation initiale du bail ou lors du renouvellement.

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