📋 Déspécialisation du bail commercial : mode d’emploi pour le locataire
Le locataire d’un bail commercial peut souhaiter modifier son activité, notamment pour s’adapter aux évolutions du marché. En cas de refus du bailleur pour le changement d’activité du locataire, ce changement passe par une procédure de déspécialisation. Cette situation soulève diverses questions juridiques, notamment sur les conditions d’autorisation mais également sur les conséquences financières lors de la révision du loyer ou du renouvellement du bail commercial.
🔍 Que peut faire le locataire en cas de refus du bailleur pour modifier l’activité ?
Si le bailleur refuse au locataire une modification de la destination du bail, le locataire se voit offrir par le Code de commerce deux hypothèses de déspécialisation.
📌 La déspécialisation partielle pour les activités connexes et complémentaires
La déspécialisation partielle permet au locataire d’ajouter à son activité principale des activités connexes ou complémentaires.
A cette fin, le locataire doit faire connaître son intention au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en indiquant les activités dont l’exercice est envisagé.
⏱️ Délai à respecter : Cette formalité vaut mise en demeure du propriétaire de faire connaître dans un délai de deux mois, à peine de déchéance, s’il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités.
En cas de contestation, le tribunal judiciaire, saisi par la partie la plus diligente, se prononce en fonction notamment de l’évolution des usages commerciaux. Le locataire doit toutefois a toutefois intérêt à engager l’action le plus rapidement possible car il doit attendre l’issue de son action en déspécialisation pour adjoindre les nouvelles activités
L’analyse fine de la jurisprudence permet de déterminer quels sont les critères pour déterminer si l’activité envisagée par le locataire est connexe ou complémentaire. La détermination du caractère accessoire ou complémentaire relève du pouvoir souverain des juges du fond.
⚠️ N.B. : à défaut de respecter la procédure de déspécialisation, le locataire qui étendrait la destination des lieux sans accord du bailleur s’exposerait à différentes sanctions, notamment :
- Dommages-intérêts
- Refus de renouvellement pour motif grave et légitime
- Résiliation judiciaire du bail ou acquisition de la clause résolutoire
🔄 La déspécialisation plénière pour un changement d’affectation complet
La déspécialisation plénière autorise le locataire à exercer des activités différentes de celles prévues initialement au bail. Cette transformation nécessite l’accord du bailleur pour la déspécialisation ou, à défaut, l’autorisation du tribunal.
Aux termes de l’article L.145-48 du Code de commerce, l’autorisation s’apprécie « eu égard à la conjoncture économique et aux nécessités de l’organisation rationnelle de la distribution, lorsque ces activités sont compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier ».
Ainsi, le locataire doit démontrer que sont réunies les conditions cumulatives suivantes :
✅ Conditions cumulatives à remplir :
- 📊 Conditions économiques :
- la conjoncture économique – on apprécie la rentabilité du commerce et de l’intérêt pour la clientèle – le locataire doit démontrer la nécessité de sa reconversion et le caractère inadapté de son exploitation ;
- l’organisation rationnelle de la distribution est appréciée en fonction de l’état du marché et notamment la saturation du marché ;
- 🏢 Conditions matérielles : l’activité doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier. Sont appréciés dès lors les besoins de transformation ou encore les nuisances des nouvelles activités.
📬 La demande du locataire et le délai de réponse du bailleur
Avant tout changement d’activité, le locataire doit demander l’autorisation au bailleur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire. La demande doit à peine de nullité indiquer les activités dont l’exercice est envisagée.
⏱️ Délai de réponse du bailleur : Le bailleur dispose d’un délai de trois mois à compter de la demande du locataire pour notifier sa réponse. A défaut, le bailleur est réputé avoir acquiescé à la demande.
Le bailleur peut :
- accepter la demande du locataire
- refuser la demande
- ou assortir son autorisation de conditions
Si le bailleur refuse à la demande de déspécialisation plénière, il doit motiver son refus par des motifs graves et légitimes. A titre d’illustration, constitueront des motifs graves et légitimes (i) le non-respect des conditions cumulatives énumérées par l’article L.145-48 du Code de commerce ou encore (ii) si le bailleur justifie qu’il entend reprendre les lieux à l’expiration de la période triennale en cours, soit en application des articles L.145-18 à L.145-24 du Code de commerce, soit en vue d’exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de rénovation urbaine ou de restauration immobilière.
💡 À savoir : Si le bailleur invoque de fausses raisons ou ne réalise pas les intentions qu’il a avancées, il ne pourra plus s’opposer à une nouvelle demande de changement d’activité du locataire, sauf pour des motifs graves et légitimes ultérieurs, à moins que le défaut d’exécution ne lui soit pas imputable. Il peut en outre être condamné à verser au locataire une indemnité pour réparer le préjudice subi par ce dernier (L.145-53 du Code de commerce).
⚖️ L’intervention du tribunal
Si le bailleur refuse la déspécialisation plénière, le locataire peut saisir le tribunal judiciaire qui peut autoriser la transformation totale ou partielle du fonds si le refus du bailleur n’est pas justifié par un motif grave et légitime.
⚠️ Attention : La procédure et l’intervention du tribunal sont obligatoires. La déspécialisation plénière qui interviendrait sans respect de la procédure constituerait une infraction aux clauses du bail constituée par le changement d’activité ; le locataire s’exposerait aux sanctions suivantes :
- Dommages-intérêts
- Refus de renouvellement pour motif grave et légitime
- Résiliation judiciaire du bail ou
- Jeu de la clause résolutoire
💰 Quelles sont les conséquences de la déspécialisation partielle sur le loyer ?
L’adjonction d’activités connexes ou complémentaires peut entraîner une augmentation du loyer. Cette augmentation n’intervient pas immédiatement, mais seulement lors de la première révision triennale qui suit l’adjonction, si celle-ci a entraîné par elle-même une modification de la valeur locative des lieux loués.
L’article L. 145-47 du Code de commerce précise en effet que le plafonnement est écarté dès que la valeur locative est modifiée, peu importe l’ampleur de la modification. Dans ce cas, le loyer peut être fixé à la valeur locative.
💵 Quelles sont les conséquences de la déspécialisation plénière sur le loyer ?
La déspécialisation plénière autorisée permet au bailleur d’obtenir une augmentation du loyer dès l’octroi de l’autorisation, sans attendre la première révision triennale (Art. L.145-50 du Code de commerce).
Cette différence de traitement se justifie par l’ampleur du changement d’activité du locataire, qui modifie substantiellement la valeur locative des locaux.
📌 Conséquences financières :
- Le bailleur peut demander la fixation du loyer à la valeur locative sans application des dispositions relatives à la révision légale.
- Le bailleur peut demander le paiement d’une indemnité égale au montant du préjudice dont le bailleur établirait l’existence (Art. L.145-50 du Code de commerce).
🔄 Quelles sont les conséquences de la déspécialisation sur le loyer de renouvellement ?
📈 Le déplafonnement du loyer de renouvellement compte tenu de la déspécialisation
La déspécialisation du bail commercial constitue un motif de déplafonnement du loyer au moment du renouvellement du bail commercial dès lors qu’elle présente un caractère notable. Le loyer de renouvellement peut alors être fixé à la valeur locative, sans application du plafonnement.
📊 La fixation de la valeur locative compte tenu de la déspécialisation
Lorsque le loyer est déplafonné, il correspond à la valeur locative statutaire des locaux loués. Cette valeur s’apprécie en fonction de plusieurs critères conformément à l’article L.145-33 du Code de commerce :
📋 Critères d’appréciation de la valeur locative :
- Les caractéristiques du local
- La destination des lieux
- Les obligations respectives des parties
- Les facteurs locaux de commercialité
- Les prix couramment pratiqués dans le voisinage
💡 Conclusion : Dès lors, le locataire qui envisage une déspécialisation partielle ou plénière doit non seulement respecter scrupuleusement les critères et formalités prévus par le Code de commerce, mais également apprécier l’impact financier de la modification de son activité car la déspécialisation du bail commercial aura une incidence sur les modalités de révision du loyer ainsi que sur les modalités de fixation du loyer de renouvellement.


