L’audit de bail commercial ou de locaux commerciaux occupés nécessite une analyse approfondie du bail en cours. Cette démarche conditionne la rentabilité de l’investissement et permet d’identifier les risques juridiques et financiers. Voici l’ensemble des points de contrôle à examiner avant de signer l’acte d’acquisition de locaux commerciaux.
I. L’analyse juridique du bail commercial
A. La validité et la qualification du contrat de bail
Le premier réflexe consiste à vérifier l’existence d’un bail écrit et à se faire communiquer le bail initial ainsi que l’ensemble des avenants. Il faudra s’assurer de la date de prise d’effet du bail comme de la date d’expiration à venir.
Il faudra également s’assurer de la qualification juridique de la convention locative retenue par les parties aux fins d’étudier un éventuel risque de requalification.
Exemple : dans l’hypothèse d’un bail professionnel qui aurait été consenti pour l’exercice d’une activité commerciale avec exploitation d’un fonds de commerce par le locataire dans les locaux loués, il est probable que ce dernier demandera la requalification en bail commercial pour obtenir une convention plus longue ainsi qu’un droit au renouvellement du bail commercial.
B. L’identité des parties
II est impératif de contrôler l’identité du propriétaire et du locataire. Le bailleur devra communiquer une attestation de propriété des locaux loués.
Pour le locataire, il faudra vérifier son immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers. L’activité exercée dans les locaux loués doit correspondre à celle déclarée dans le bail et à l’objet social de la société locataire.
II. Les clauses relatives à la cession et à la sous-location
Les clauses relatives à la cession du droit au bail et à la sous-location doivent impérativement être vérifiées, notamment pour s’assurer que le locataire n’a pas consenti la jouissance des locaux à un tiers.
A. La destination des lieux loués
La clause de destination détermine les activités autorisées dans les locaux. Il convient de s’assurer que le locataire use de la chose louée conformément aux termes du bail.
Par ailleurs, il convient de s’assurer que les locaux sont loués conformément aux règles d’urbanisme relatives à l’usage (Article L.631-7 du Code de l’urbanisme) et à la destination des constructions et sous-destinations (R.151-27 et suivants du Code de l’urbanisme).
Enfin, il conviendra de vérifier le règlement de copropriété pour s’assurer que l’activité exercée est conforme à la destination prévue pour les parties privatives, ainsi que les éventuelles autorisations administratives obtenues (licence IV, autorisation d’enseigne, terrasse).
N.B. : à défaut de respect des règles prévues à l’article L.631-7 du Code de l’urbanisme, plusieurs sanctions peuvent être mises en œuvre à l’encontre du propriétaire (nullité du bail commercial, amende civile d’un montant de 100.000 € par local irrégulièrement transformé).
B. Autres clauses à analyser
Une attention particulière doit être portée sur les stipulations du bail suivantes :
- La clause d’accession ;
- La désignation des locaux loués ;
- La faculté de résiliation triennale du preneur ;
- L’autorisation de location-gérance ;
- Le droit de préemption au profit du preneur ;
- Le droit de préemption au profit du bailleur ;
- La clause d’indivisibilité ;
- Les conditions de restitution des locaux loués ;
- Les travaux autorisés au preneur à la prise d’effet du bail et au cours du bail ;
- Le régime fiscal et l’assujettissement à la TVA.
III. L’analyse des clauses qui auront un impact financier pour l’acquéreur
A. Le loyer
L’ensemble des clauses relatives au montant du loyer doit être analysé. La clause d’indexation doit faire l’objet d’une étude particulière aux fins de s’assurer de sa régularité. De même, il conviendra de s’assurer que le loyer facturé est le loyer indexé ou révisé conformément aux stipulations du contrat de bail.
Enfin, il conviendra de s’assurer de la valeur locative des locaux ainsi que d’étudier si la révision du loyer peut être ouverte aux parties conformément aux dispositions des articles L.145-38 L.145-39 du Code de commerce, savoir :
- (i) la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative (L.145-38 du Code de commerce) ;
- (ii) si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire
B. Le loyer de renouvellement
Les parties étant libre de convenir des modalités de détermination du loyer de renouvellement, il faut impérativement vérifier si le bail contient une clause sur le loyer de renouvellement. Cette clause aura en effet un impact important sur le montant qui sera fixé lors du prochain renouvellement, mais également sur le montant de l’indemnité d’éviction à laquelle pourrait prétendre le locataire en cas de refus de renouvellement.
N.B. : l’analyse de la durée du bail, de la destination et des clauses éventuelles sur le loyer de renouvellement permettra de déterminer si le loyer de renouvellement sera plafonné ou non.
C. Les charges, impôts, taxes et redevances refacturables
L’inventaire des catégories de charges
S’agissant des charges, impositions,, taxes et accessoires, la première vérification à opérer est de s’assurer que le bail consenti au locataire contient un inventaire précis et limitatif des catégories de charges et leur répartition entre le bailleur et le preneur conformément aux dispositions de l’article L.145-40-2 du Code de commerce.
À défaut d’inventaire, le risque est double pour le bailleur ; le locataire pourra non seulement s’opposer à la refacturation des charges, mais également solliciter le remboursement des provisions et charges perçues dans les limites de la prescription.
Les charges, impôts et taxes supportés par le locataire
L’acquéreur devra vérifier l’ensemble des charges, impôts, taxes et redevances qui sont refacturables, et notamment celles qui sont importantes.
À titre d’illustration, il conviendra de vérifier si le locataire supporte en application des clauses du bail :
- La taxe foncière ;
- La taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement (article 231 ter du Code général des impôts) ;
- La taxe d’enlèvement des ordures ménagères ;
- La taxe de balayage ;
- Les frais d’entretien, de réfection, de remplacement des parties communes de l’immeuble ;
- Tout ou partie des charges de copropriété ;
- Les dépenses relatives à l’amélioration de la performance énergétiques des locaux loués et/ou de l’immeuble ;
- Les dépenses imposées par les mises en conformité des locaux loués ou de l’immeuble ;
- Les dépenses relatives à la sécurité incendie ;
- Les frais d’entretien et de réfection des toitures et des façades ;
- La révision trentenaire des sprinklers ;
- La charge des gros travaux de l’article 606 du Code civil.
Par ailleurs, il faut s’assurer qu’une provision sur charges est prévue aux termes du bail, de contrôler ses modalités de calcul et de paiement, ainsi que des modalités de variation de son montant.
Les garanties en cas de défaillance du locataire
Il conviendra de vérifier les garanties remises par le locataire en application des clauses du bail (montant du dépôt de garantie, cautionnement personnel du dirigeant, cautionnement bancaire, garantie autonome à première demande).
Si le bailleur s’est vu remettre une garantie autonome à première demande, il conviendra de s’assurer de sa transférabilité au bénéfice de l’acquéreur.
Il en sera de même s’agissant des autres garanties.
IV. L’état des lieux et les diagnostics techniques
A. Les diagnostics
Plusieurs diagnostics doivent être annexés au bail commercial, et notamment :
– Le diagnostic de performance énergétique (DPE),
– L’état des risques et pollutions (ERP)
– Le diagnostic amiante pour les immeubles dont le permis de construire date d’avant juillet 1997 ;
– L’annexe environnementale pour les locaux de plus de 2000 m² ;
– Le diagnostic termites, le cas échéant suivant la situation des locaux.
L’absence de ces documents peut engager la responsabilité du propriétaire et il conviendra de s’assurer que ces documents ont été annexés au bail.
B. Les procédures en cours
Le greffe du tribunal de commerce (ou du tribunal des activités économiques) devra être consulté pour vérifier l’absence de procédure collective concernant le locataire. Une procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire modifie les droits du bailleur et peut retarder le paiement des loyers.
Par ailleurs, il conviendra d’interroger le vendeur sur d’éventuels contentieux pour en mesurer les risques : impayés, demande de révision du loyer, demande en remboursement de charges ou de provision sur charges.
V. Recommandations pratiques en matière d’audit de bail commercial
L’investissement dans des locaux commerciaux loués peut offrir une rentabilité attractive. Une analyse méthodique et approfondie du bail commercial permet de sécuriser l’opération et d’optimiser le rendement de l’investissement. Les vérifications préalables constituent le socle d’une acquisition réussie.
