Acquisition d’un local commercial occupé : guide pratique pour l’investisseur

L’acquisition d’un local commercial occupé par un locataire représente une opération courante sur le marché immobilier professionnel. Cette situation nécessite une attention particulière aux droits du locataire en place et aux obligations qui incombent au nouveau propriétaire. Voici les éléments essentiels à connaître avant de concrétiser votre investissement.

I. Le bail commercial en cours : un cadre juridique à respecter

A. Transmission automatique du bail

Lors de l’acquisition d’un local commercial loué, le bail en cours se transmet automatiquement au nouveau propriétaire. L’article L. 145-16 du Code de commerce établit ce principe de continuation du bail. L’acquéreur devient le nouveau bailleur et doit respecter l’intégralité des clauses contractuelles existantes jusqu’au terme du bail.

B. Analyse préalable du bail

Avant la signature de l’acte de vente, l’examen approfondi du bail commercial s’impose. Cette analyse porte sur :

– La durée restante du bail et les conditions de renouvellement

– Le montant du loyer et les modalités de révision

– La répartition des charges entre bailleur et locataire

– Les activités autorisées (destination des lieux)

– L’état des lieux d’entrée et les travaux réalisés

– Les éventuelles clauses particulières (garanties, sous-location, cession)

II. Les vérifications indispensables avant l’acquisition

A. Situation financière du locataire

L’évaluation de la solvabilité du locataire conditionne la rentabilité de votre investissement. Les documents à examiner comprennent :

– Les trois derniers bilans comptables

– L’historique des paiements de loyers

– Les éventuels incidents ou retards

– Les garanties en place (caution, garantie bancaire)

B. État du local et conformité

La visite du local permet d’évaluer :

– L’état général des lieux et les travaux à prévoir

– La conformité aux normes (sécurité, accessibilité, environnement)

– L’adéquation entre l’usage effectif et la destination prévue au bail

– Les éventuels travaux réalisés par le locataire

C. Charges et obligations du propriétaire

L’identification précise des charges vous incombant évite les mauvaises surprises :

– Taxe foncière et taxes annexes

– Travaux relevant de l’article 606 du Code civil

– Assurances propriétaire non occupant

– Charges de copropriété le cas échéant

III. Le droit de préemption du locataire commercial

A. Conditions d’application

La loi Pinel du 18 juin 2014 accorde au locataire commercial un droit de préemption en cas de vente du local. Ce droit s’applique lorsque :

– Le local fait partie d’un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété

– Le bail est soumis au statut des baux commerciaux

– La vente porte sur le local loué

B. Procédure de notification

Le vendeur doit informer le locataire de son intention de vendre par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier. Cette notification doit mentionner :

– Le prix de vente

– Les conditions de la vente

– La description du bien

– Le délai de réponse (un mois pour se prononcer, deux mois pour réaliser la vente)

C. Exceptions au droit de préemption

Le droit de préemption ne s’applique pas dans certains cas :

– Vente à un membre de la famille jusqu’au troisième degré

– Vente en bloc d’un immeuble entier

– Vente d’un local dans un ensemble commercial de plus de 1000 m²

IV. Les obligations post-acquisition

A. Information du locataire

Dans les quinze jours suivant la vente, le nouveau propriétaire doit notifier au locataire :

– Le changement de propriétaire par lettre recommandée

– Ses coordonnées complètes

– Les modalités de paiement des loyers

– Le compte bancaire pour les virements

B. Gestion du dépôt de garantie

Le dépôt de garantie versé par le locataire se transmet avec le bail. L’acquéreur doit :

– Vérifier le montant exact du dépôt

– S’assurer de sa mention dans l’acte de vente

– Prévoir sa restitution en fin de bail selon les conditions légales

C. Continuité des relations locatives

Le nouveau propriétaire reprend les droits et obligations de l’ancien bailleur :

– Perception des loyers aux échéances prévues

– Délivrance des quittances

– Réalisation des travaux incombant au bailleur

– Respect du droit au renouvellement du bail

V. Les aspects financiers de l’opération

A. Calcul de la rentabilité

L’évaluation de la rentabilité intègre plusieurs paramètres :

– Le rendement brut (loyer annuel / prix d’acquisition)

– Le rendement net (après déduction des charges et taxes)

– La valorisation potentielle du bien

– La durée résiduelle du bail

B. Négociation du prix d’acquisition

La présence d’un locataire influence le prix de vente. Les éléments de négociation incluent :

– La qualité du locataire et sa solidité financière

– Le niveau du loyer par rapport au marché

– La durée restante du bail

– Les travaux à prévoir

C. Financement et garanties

Les établissements bancaires examinent particulièrement :

– La qualité du bail et du locataire

– Le taux d’effort (loyer / prix d’acquisition)

– Les garanties locatives existantes

– Votre apport personnel et votre capacité d’emprunt

VI. Les points de vigilance particuliers

A. Baux dérogatoires et conventions d’occupation

Attention aux baux de courte durée (article L. 145-5 du Code de commerce) qui ne bénéficient pas du statut protecteur des baux commerciaux. Leur requalification éventuelle peut modifier vos projections.

B. Procédures en cours

Vérifiez l’absence de :

– Contentieux entre le bailleur et le locataire

– Procédure collective affectant le locataire

– Commandement de payer non régularisé

C. Clauses particulières

Certaines clauses méritent une attention spécifique :

– Clause de garantie solidaire en cas de cession

– Clause d’indexation du loyer

– Clause de destination restrictive

– Clause de non-concurrence

D. Conclusion

L’acquisition d’un local commercial occupé constitue un investissement intéressant offrant une rentabilité immédiate. La réussite de l’opération repose sur une analyse rigoureuse du bail existant, une évaluation précise de la situation du locataire et le respect scrupuleux des obligations légales. L’accompagnement par des professionnels (notaire, expert-comptable, avocat spécialisé) sécurise votre investissement et optimise sa rentabilité à long terme.

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